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Entre chefs-d'œuvre et rumeurs, que reste-t-il de Charles Trenet ? - Le Parisien

Charles Trenet avait raison. Longtemps après que ce poète a disparu — à 88 ans, il y a vingt ans ce vendredi — ses chansons courent toujours dans les rues. Sur les 696 qu'il a écrites en 70 ans de carrière, impossible de citer tous ses chefs-d'œuvre devenus monuments nationaux, voire internationaux : « Je chante », « La mer », « Douce France », « Y a d'la joie », « Route nationale 7 », « Boum! », « Le jardin extraordinaire », « Que reste-t-il de nos amours? », « Fidèle », « La romance de Paris »… Et tous ses héritiers, de Marlene Dietrich à Stevie Wonder, de Georges Brassens à Jacques Higelin, de Mika à Benjamin Biolay, qui lui a consacré un album en 2015

Ce ne sont pourtant pas de nouveaux disques qui sortent pour ce 20e anniversaire, mais deux livres, « Trenet hors-chant » et « La révolution Trenet », ainsi qu'un documentaire d'1h50 « L'enchanteur » diffusé ce vendredi soir sur France 3 (à 21h05) fort documentés et complémentaires. Ils dressent le portrait contrasté d'un génie bien moins connu que son œuvre, un homme « très secret » même pour sa mère, Marie-Louise, l'amour de sa vie. Au point que des rumeurs de collaboration et de pédophilie courent toujours sur lui…

«Trenet traîne toujours une mauvaise réputation»

« Elles sont même plus fortes que de son vivant, se désole Jacques Pessis, qui fut son ami pendant vingt ans et son biographe. On célèbre Brassens, Brel, Gainsbourg, mais pas Trenet, qui était pourtant leur maître à tous. C'est incroyable qu'il n'y ait toujours pas d'intégrale, alors qu'il y a plein d'inédits… Parce que Trenet traîne toujours une mauvaise réputation. Combien de fois ai-je entendu : Ses chansons sont formidables mais l'homme est une pourriture! Il était de mon devoir de rétablir la vérité, pour que les jeunes puissent l'écouter en toute liberté. »

Jacques Pessis manquait de preuves, jusqu'à ce qu'il reçoive il y a deux ans un colis de la veuve de l'attaché de presse belge du « Fou chantant », contenant de nombreux courriers de Charles, sa mère et son frère aîné Antoine, et « des documents éclairant de nombreux passages de sa vie — son incarcération à New York, son mariage avorté par sa mère — et prouvant son innocence sur les deux pires rumeurs ».

La première remonte à 1945. Trenet est convoqué devant un comité d'épuration pour avoir chanté trois fois à Radio Paris, radio de propagande nazie, devant des soldats allemands aux Folies Bergère et pour les prisonniers français à Berlin. « En fait, les trois concerts avaient été enregistrés avant-guerre par une autre radio et il a rompu son contrat avec les Folies Bergère après avoir découvert que des nazis étaient au premier rang, précise Jacques Pessis. Trenet a chanté à Berlin, comme Edith Piaf, mais les nazis le menaçaient de l'incarcérer avec sa mère s'il refusait. Il prenait cette menace d'autant plus au sérieux qu'il avait déjà dû prouver à la Gestapo qu'il n'était pas juif après des accusations de la presse collabo. Il a souvent été victime de dénonciation calomnieuse et anonyme. »

«Il se foutait de sa postérité»

En 1963, le roi du music-hall alors ringardisé par les yé-yé est dénoncé à la police par le gardien de son « domaine des esprits », le château qu'il a fait construire à Aix-en-Provence. Lui qui n'a ni caché ni ouvertement avoué son homosexualité est emprisonné 29 jours avant son procès pour détournement de mineurs, trois hommes de 18 ans (la majorité était alors à 21 ans et l'homosexualité très mal vue). En appel, il est finalement blanchi et relaxé. Son gardien, qu'il venait de renvoyer sans indemnité, avait tout inventé pour se venger.

Mais pourquoi Trenet ne s'est pas défendu lui-même? « Je lui ai demandé plusieurs fois de le faire, avoue Jacques Pessis. Mais il se foutait des rumeurs et esquivait toujours les questions intimes en interview. Il se foutait de sa postérité, comme de son passé. Il n'a pas créé de fondation (NDLR : il a fait de son secrétaire particulier et ami Georges El Assidi son légataire universel), il a préféré vivre intensément. Malgré les rumeurs, il a réussi à avancer, à digérer ses cauchemars comme il disait. Mais il l'a payé après sa mort. »

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«Charles Trenet l'enchanteur», documentaire de Philippe Kohly ce vendredi à 21 h 05 sur France 3 ; «Trenet hors-chant», par Jacques Pessis, Ed. Kennes, 19,90 euros ; «La révolution Trenet», par Valentin Schmite, Ed. EPA, 39,95 euros.

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